samedi 15 janvier 2011

The Wendy Darlings - Enormous pop


Dans son excellent fanzine "Suck my pop", Baptiste, le batteur du trio clermontois, le soulignait fort justement : "Pour un groupe, faire de l'indie pop en France revient à peu près à monter une équipe de bobsleigh en Jamaïque". De ce côté-ci de la Manche, il est en effet une réalité chagrinante : les groupes pop ne sont pas légion... Surtout ceux qui se réfèrent à des groupes impeccables tels Beat Happening, The Pastels, The Clean, 14 Iced Bears, The Vaselines, Television Personalities ou encore Tullycraft... Résolument dans cette veine, The Wendy Darlings fait donc exception par ici. Et quelle exception ! Notre véritable exception culturelle à nous. Alors on a envie de les voir sortir des disques, jouer en concert - lieu où ils excellent tant leurs prestations, souvent joyeusement bordéliques mais toujours fichtrement énergiques, sont jouissives - et d'en savoir un peu plus en leur proposant de se prêter au petit jeu du question-réponse. Ce qu'ils ont accepté pour mon plus grand plaisir.

Qui sont les Wendy Darlings ? Quand, où et comment le groupe s'est-il formé ?

Baptiste : Ayant tous fait nos études à Clermont, on se connaissait plus ou moins depuis longtemps. Mais on ne s’est vraiment fréquentés tous les trois qu’aux alentours de 2006. Je me souviens d’un moment fondateur : avec Sylvain on avait vu un concert totalement mythique de Jack Lewis. Après ça, on a décidé de faire une jam session informelle avec Sylvain et notre pote Saint-Augustine (célèbre musicien clermontois). Sachant ça, Suzy, qui était verte de ne pas être de la partie, a tout fait pour nous rejoindre en vue de former un vrai groupe ! On a tout de suite conçu les Wendy comme un défouloir d’après-boulot, sponsorisé par quelques bières !
Sylvain : On traînait toujours dans les mêmes endroits, parfois les mêmes fêtes etc… en se connaissant de vue. Je savais que Suzy et Baptiste avaient un groupe qui venait juste de splitter, du coup, moi qui avait toujours rêvé de me payer une basse, j’me disais que c’était le moment ou jamais de tenter de faire du bruit avec des gens qui avaient plus ou moins un background musical identique au mien.
Suzy : Oui, je me souviens bien de ce concert où je n’étais pas là ! Je fulminais à Maubeuge (où j’avais été mutée pour le boulot), et je rêvais de fonder un groupe ! Alors quand je suis revenue, je crois qu’on était bien remontés tous les trois pour s’y mettre...

Pourquoi avoir choisi de jouer en trio ?

Baptiste : En fait, on a commencé à jouer à trois dès le début et on s’est plu immédiatement dans cette formule qui pousse nécessairement à faire quelque chose d’énergique et direct, sans fioritures inutiles. La mode musicale de ces dernières années est au contraire à l’emphase  façon Arcade Fire. Pour moi la pop telle que je la conçois est l’exact opposé. Il s’agit d’être concis, direct, brut, voire basique et ne compter que sur une poignée d’accords simples pour se concentrer sur l’énergie et les mélodies, c’est à dire l’essentiel en fait. Pour moi, en musique "less is more". Etrangement, je pense que c’est céder à une sorte de facilité que de vouloir impressionner un auditoire avec des arrangements luxuriants. Quoi de plus difficile que de faire simple ! Certaines chansons du Velvet ou de Beat Happening sont basées sur deux accords et sont absolument inouïes. Avec les Wendy on a encore beaucoup de chemin à faire pour arriver à atteindre un millième de leur talent ! Mais c’est motivant !
Sylvain : La plupart de mes groupes préférés sont des trios (Screamfeeder, Violent Femmes…) et j’aime l’énergie brute qui s’en dégage. C’est aussi beaucoup plus souple et chacun reste dans son rôle avec zéro problème d’ego, tout le monde est indispensable. La création des morceaux est beaucoup plus instinctive, moins "écrite"… et il y a plus de bière pour chacun de nous.
Suzy : Pour être honnête, au début je pensais uniquement chanter, comme cela avait été le cas avec notre groupe d’avant... Mais une guitare manquait tout de même, et comme on ne trouvait pas de guitariste dans l’immédiat, j’ai fini par emmener ma guitare, même si j’avais un peu honte de mes trois accords mal plaqués... Étant tout sauf une manuelle, je crois que je pourrais bosser la gratte pendant 85 ans, je n’évoluerais toujours pas ! Mais voilà, au final je crois que c’est le genre de non-maîtrise qui permet aussi de se décomplexer et de se défouler (pour ma part en tout cas !), et de libérer aussi de la place pour la basse, qui est très importante dans notre son.

Vous venez de Clermont-Ferrand. Comment est la scène musicale
clermontoise ? Y a-t-il d'autres groupes indie-pop ?

Baptiste : Clermont-Ferrand possède une scène musicale très riche et très diversifiée (vous pouvez d’ailleurs découvrir les groupes de nos copains comme dans notre top ami myspace.) Il y a d’excellentes formations folk (il y a le label Kutu Folk, Niandra Lades), post-rock, rock and roll, pop (Kissinmas). Personnellement, j’adore des groupes comme Araban (surf rock) ou les Kokomo’s (rockab’ minimaliste) et les projets divers des anciens Las Vegas Dead Brides (héros garage/punk de la ville), la pop-folk de notre ami Zak Laughed. Mais au niveau indie-pop, il n’y a qu’un seul groupe qu’on pourrait ranger dans cette case, c’est les fabuleux Bolik, formation pop surréaliste et bringuebalante qui fait penser à Pavement qui se seraient associés à Pascal Comelade. J’attends toujours chacun de leurs concerts avec impatience ! Par ailleurs un des groupes les plus classe de la ville est La Position du Tireur Couché, qui font de la pop sixties en français de haute facture et en plus très drôle !
Sylvain : Récemment, ça bouge plutôt bien, et la pop-rock reprend le dessus après une longue domination ska et autres. Il y a de très bons groupes qu’on prend plaisir à voir encore et encore sans ennui. L’indie-pop n’est pas spécialement représentée même si certains groupes s’en rapprochent parfois.
Suzy : Pas grand-chose à rajouter, c’est vrai qu’on a de la chance à Clermont d’avoir pas mal de groupes classe dans des domaines différents, et comme ce n’est pas non plus une ville bien grande, on finit plus ou moins par tous se connaître, voire être amis ! Après, c’est sûr que l’indie-pop n’est pas très présente, mais il y a d’excellents groupes pop (et ! vous oubliez les Glums les amis !), folk, garage...
Baptiste : Evidemment les Glums qui font une pop-psyché Brianjonestonienne du meilleur goût !

Plus largement, vous sentez-vous proches d'autres groupes français ? Pensez-vous que la France est un bon endroit pour faire de la pop ?

Baptiste : Les groupes et le public pop en France sont assez rares. J’ai l’impression qu’il y a très peu de place pour l’indie-pop en particulier. En France, les gens semblent aimer la  musique très ambitieuse, portée sur l’émotion et la sensibilité, le sérieux. Je me dis parfois que les Français sont par essence un peuple ennuyeux et qui aime l’ennui et que tout est donc perdu pour l’indie-pop. Les Français semblent plus portés vers la pop "radio friendly" un peu putassière ou carrément le pur rock and roll (ça c’est plutôt cool par contre). Avec les Wendy Darlings notre côté garage est ce qui nous permet de ne pas susciter le désintérêt. La pure pop n’est guère révérée dans notre pays me semble-t-il. Sinon, il y a des gens en France pour qui j’ai une admiration sans bornes comme The Existentialists (de Toulouse), Anne Bacheley (de Poitiers), Doggy et les recrues d’Anorak Records (Limoges), Coming Soon à Annecy. Il y a aussi Anabel’s Poppy Day à Paris et j’en oublie...
Sylvain : Je pense qu’il y a de très nombreux groupes de pop en France mais les petits indés comme nous, viennent rarement poser leurs amplis par chez nous. Pour ma part (et j’en suis pas forcément fier) j’ai un peu ralenti la quête incessante de nouveaux groupes sinon, je n’ai pas vraiment le temps de les "creuser" un peu. Les groupes dont je me sens proches ne sont pas français pour la plupart ou sinon c’est juste des groupes dont je me sens proche plus par affinité que part ressemblance musicale.
Suzy : Il faut tout de même dire que lorsqu’on pose le pied en Angleterre, on se sent tout de suite en terre amie... et qu’en France, j’ai souvent l’impression qu’on passe pour des branques ! Il y a un truc bizarre en France, c’est comme si on avait honte parfois de sautiller sur des mélodies surentraînantes, comme s’il fallait forcément un truc lourd, ou triste, ou (chiant !) derrière, pour se donner une caution... Enfin bref, je rejoins tout à fait Baptiste sur sa vision noire des choses !

Votre musique semble être influencée par des groupes comme The Vaselines, les Pastels, Television Personalities... Sont-ce des influences revendiquées ? Qu'est ce qui vous influence en général ?

Baptiste : On a tous des influences diverses, ce qui rend intéressant le fait de jouer en groupe, mais on se retrouve sur un certains nombre de trucs commun : les Vaselines, les Violent Femmes, les Pixies, Sonic Youth, Pavement, l’antifolk, le punk. Avec Suzy, on est plus précisément sous perfusion de pop sixties(Beach Boys, Kinks, Velvet, etc.) et de pop anglaise des années 80 du genre Jesus and Mary Chain, les Primitives, 14 Iced Bears, Television Personalities, les Pastels, les Go-Betweens, Talulah Gosh ! Mais les amerlocs aussi nous influencent énormément. Je pense aux Ramones, à Beat Happening, à Henry’s Dress et à tout ce qui provient de chez Slumberland Records. Personnellement, j’adore la noisy pop en général et aussi le punk et le post-punk à la The Fall ou Wire. Je suis aussi fou des productions de chez Flying Nun comme The Clean, les Bats ou Garageland…
Sylvain : C’est un peu pareil. On a traversé les 90’s plus ou moins de la même façon. Mais, moi, je serais plus la conscience mauvais goût du groupe, pas toujours très pop stricto sensu : j’aime bien des trucs comme G.Love, Jamie T., Neutral Milk Hotel, Refused, The Streets... Je me suis trouvé aussi une passion immodérée pour la scène australienne : méconnue mais assez incroyable (The Whats, I Heart Hiroshima, Soft Tigers...). Difficile de séparer ce que j’aime de ce qui m’influence...
Suzy : J’adore Sylvain, "je serais plus la conscience mauvais goût du groupe" Ha ! Ha ! Sinon oui, c’est vrai qu’on a tous des influences plutôt différentes, et je pense que c’est vraiment ce qui définit notre style au final, puisque chacun apporte son zeste pour la composition. Il m’arrive parfois de me dire : "Ah ! Si on avait tous mes goûts, on pourrait faire ci ou ça !" Mais au final, je pense que ce serait un peu chiant et qu’on finirait par tourner en rond. On se retrouve à faire des plans auxquels je n’aurais pas pensé par exemple, et c’est ce qui pousse vers l’avant et donne envie de jouer ! Sinon mes influences, effectivement, sont très très 50's et 60's à la base (Buddy Holly, les Kinks, les Beach Boys, les girls’ bands des 60's, etc), et beaucoup les Vaselines, les Pastels et les Mary Chain, les Go-Betweens, les Primitives, et puis... les livres, les films, les séries ! 

Pour vous, la meilleure chanson pop de l'univers c'est...

Baptiste : C’est une question horrible. Entre les hits des Beach Boys, de Jesus and Mary Chain, des Ramones ou de 14 Iced Bears, ou encore les tubes des différents girls bands sixties, il y a plein de chansons qui me viennent à l’esprit! Mais je dirais que pour moi, "Hey Allison" de Henry’s Dress  est une des chansons pop parfaites à tout point de vue.
Sylvain : Arf... Pas facile. Si je m’en réfère aux chansons que j’ai usées jusqu’à la corde, il y a "Darts" de Screamfeeder ou encore "Dream All Day" des Posies et des bien d’autres.
Suzy : Je suis in-ca-pable de donner un top 10 de quoi que ce soit, alors une seule... ! Hmm... Aujourd’hui, je dirais peut-être "Spring Rain" des Go-Betweens, "Rave On" de Buddy Holly, "Sugar Town" de Nancy Sinatra, "Nothing to be done" des Pastels ou "Hallelujah I love her so" de Fats Domino, mais demain je relirai ça en me disant "pff, n’importe quoi, c’est pas ça, c’est..." (et bien sûr, je n’ai pas réussi à m’en tenir à une seule !).

Vos concerts sont intenses et énergiques. Accordez-vous une grande importance à la scène ?

Baptiste : Pour nous faire des concerts est un vrai bonheur et un défouloir ! Plus ça va plus on adore ça ! En plus, nous sommes maintenant plus à l’aise sur scène et nous sommes prêts à jouer partout où on voudra de nous (bon peut-être pas dans une concentration de bikers ou dans une fête de la saucisse à Vierzon... y’a des limites quand même).
Sylvain : Bon, pour ma part, c’est un peu le but. Faire des chansons, c’est bien mais si c’est pour les jouer dans sa chambre, non. J’estime que jouer sur scène est une chance et j’essaie d’en tirer le maximum de fun même si les conditions peuvent être merdiques et le public juste pas là.
Suzy : Je me dis vraiment qu’on a une chance incroyable de jouer dans un groupe ensemble et de faire des chansons que je trouve enthousiasmantes (pour la plupart, car les autres savent que je me lasse vite et que j’ai rapidement envie de les coller dans un coin pour les oublier), alors jouer, c’est vraiment la cerise sur le gâteau ! On a envie que le public auquel on les joue ressente la même émotion, mais bien sûr ce n’est pas toujours le cas...

Vous avez joué en Angleterre. Comment s'est passée cette expérience ?

Baptiste : Quand nous avons joué à Londres et à Bristol, on s’est cru dans un rêve fabuleux. C’était de la science-fiction. Etre invités à jouer en Angleterre par des gens et avec des groupes en osmose musicale avec nous c’était merveilleux. En plus, être un groupe français et se produire dans le sanctuaire de l’indie-pop (Bristol est quand même le fief de Sarah Records !) est très flatteur. Là-bas j’ai eu l’impression de me sentir pousser des ailes en jouant, même si le trac était maximal ! En France, il n’y a vraiment qu’à Limoges lors de notre concert avec Doggy que nous avons senti une vraie atmosphère indie-pop comme en Angleterre.
Suzy : Vraiment, jouer là-bas est absolument génial, en plus on commence à tisser de vrais liens avec les gens qui organisent des concerts et qui jouent là-bas, et ce sont parmi les plus belles expériences de ma vie.

Quel est le meilleur compliment que vous ayez lu ou entendu à votre sujet ?

Baptiste : Vous ne jouez pas droit.
Sylvain : A chaque fois qu’on nous dit qu’on à l’air de prendre du plaisir quand on joue. J’aime quand les gens viennent dire à Suzy qu’elle a la classe (vestimentaire ou guitaristique).
Suzy : Quand on nous dit, une semaine plus tard, que la mélodie d’un de nos morceaux leur reste toujours dans la tête ! Aussi, quand on nous compare aux Vaselines ou aux Pastels, ou qu’on nous dit qu’il y a des trucs qui sonnent 60's ! 

Et la pire critique ?

Baptiste : Ça manque de basse (boutade à l’égard de Doc Poppy).
Sylvain : "Y a trop de basse".
Suzy : Une fois, alors qu’on finissait tout juste de jouer (on était encore sur scène, c’est dire !), une nana me tire par le bras pour me dire que j’avais une voix intéressante qui lui rappelait Nina Hagen, mais que je devrais prendre des cours de chant pour perfectionner ça... J’ai été intensément vexée pendant quelques mois (je le suis encore aujourd’hui !).

Baptiste, parle nous de ton fanzine "Suck my pop". Pourquoi avoir sorti un fanzine en vrai papier, à l'ancienne, à l'heure où tout le monde écrit son blog ? Que trouve-t-on dans ton fanzine et quels sont les groupes que tu as envie de mettre en avant ? Peut-on espérer une suite à ce premier numéro ?

Baptiste : L’idée de "Suckmypop" m’est venue après la découverte d’Anorak City ! Je me suis dit qu’il était indispensable de garder allumée la flamme de l’indie-pop. En plus j’avais le sentiment que la France et Clermont-Ferrand étaient désertiques sur ce plan. Je me suis dit qu’il fallait défendre tous ces merveilleux groupes indie trop injustement méconnus et qui méritent d’être découverts. Que pourrait-on attendre des radios et de la presse musicale françaises, inféodées au mercantilisme, au marketing dégueulasse, à la hype ? Par ailleurs j’ai choisi le format papier car je n’aime pas beaucoup m’abîmer les yeux à lire des blogs, je trouve ça pénible. Alors qu’on peut toujours avoir son fanzine sous la main et l’ouvrir de temps en temps. Ça a tellement plus de charme ! En plus j’ai joint une compilation 14 titres au fanzine ce qui permet d’écouter directement les groupes qu’on écoute. "SMP" cherche à promouvoir la pop sous toutes ces formes pourvue qu’elle soit authentique ! On aime les mélodies simples et catchy, la reverb, la saturation, les filles qui chantent, les dissonances, l’esprit punk, plein de choses diverses mais qui se rejoignent dans un même esprit qu’on appelle "indie" ! J’ai déjà des idées de groupes à interviewer pur le numéro 2 ! J’ai hâte de m’y mettre même si ça demande beaucoup de travail.
 
Quels sont vos projets et souhaits pour le futur des Wendy Darlings ? Des disques ? Des concerts ?


Baptiste : Tout de suite, j’ai une envie incroyable de faire de nouvelles chansons, d’essayer des trucs en répète, de m’éclater à jammer avec Sylvain et Suzy ! Et j’ai hâte de retourner au Royaume-Uni ! Je veux aussi vraiment assister à la "pop and merguez party" d’Anorak (même si je suis végétarien !) (remise à jour : c’est chose faite, et quel festival !).
Sylvain : Pas mieux nouvelles chansons et des concerts, des concerts, des concerts.
Suzy : On va ressortir un 45 tours chez Marineville, retourner en Angleterre en mai et, j’espère, jouer à pop and Merguez en juillet ! Aussi, on a postulé pour jouer à Indietracks, ce serait absolument fabuleux (et un vrai rêve !).

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